Homélies
Homélie, Noël 2021, Messe de Minuit, année C
Fr et Sr, Vous le savez, la fête de Noël se célèbre peu après le solstice d’hiver, moment de l’année où la ténèbre de la nuit est la plus épaisse. Il n’y a pas de nuit plus longue que celle-ci. C’est cette nuit profonde que nous choisissons chaque année pour célébrer la venue de celui qui est Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu.
Voilà pourquoi il est bon de célébrer la messe de Noël au cœur de la nuit, à Mi-/nuit, car c’est là, dans cette obscurité, que nous faisons l’expérience de la puissance de la lumière. Que la lumière soit, et la lumière fut : c’est la parole créatrice du commencement, et à Noël, Parole re–créatrice pour un nouveau commencement. A la crèche, Dieu le Père prononce à nouveau sur ce monde obscurcit par le péché, cette parole de la Genèse : Que la lumière soit ! C’est ce qu’a compris l’évangéliste saint Jean, lui qui ne parle ni de la nativité, ni de la mangeoire, ni de la paille, ni des bergers, mais qui dans le prologue de son Evangile écrit : Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, en lui était la vie et la vie était la lumière des hommes, et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas accueilli. Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous.
Voilà la Nativité selon saint Jean.
Alors si pour beaucoup, et surtout pour les enfants, Noël est une parenthèse pleine de joie, n’oublions pas que pour de nombreuses personnes, Noël est une fête difficile à vivre, et ce pour trois raisons principales.
Tout d’abord, c’est un moment où les divisions familiales nous sont rappelées. Par exemple lorsque le planning des vacances dans la belle famille est raccourci de jour en jour grâce à la pression de votre conjoint, ou quand une fois de plus, nous ne verrons pas tel ou tel membre de la famille depuis qu’il a fait ceci, depuis qu’il a dit cela !
Ensuite, c’est une fête où nos chers disparus nous manquent parfois cruellement au milieu de la vaine agitation de ce monde. La fête nous semble une vaine occupation…
Enfin, pour nous, adultes, c’est un moment où notre enfance nous revient toujours en mémoire et nous vivons souvent cette veillée de Noël dans la nostalgie de ‘nos plus beaux Noël’. Noël est en quelques sorte une madeleine de Proust universelle. On pourrait même dire non pas une madeleine de Proust mais une madeleine de Jésus, et Marie-Madeleine n’a rien à voir là-dedans !
Bref, en ce soir de Noël, les écueils sont nombreux et, à manquer de vigilance, nous pourrions à nouveau laisser la nuit obscurcir nos vies.
Alors pour vaincre cette tentation, souvenons-nous encore que Dieu est celui qui est capable de tirer de tout mal un bien.
Notre nuit devient alors l’écrin dans lequel la lumière se révèle davantage. Symboliquement, ou plutôt dans la foi, cela signifie que nos épreuves, nos nuits, nos divisions, nos regrets, nos « c’était mieux avant » deviennent par le Christ, des lieux où la puissance de Dieu se révèle tout particulièrement.
Douce nuit, sainte nuit, dans les cieux l’astre luit. Douce épreuve, sainte épreuve, l’astre qui brille dans les cieux est descendu sur la terre, dans ma ténèbre, dans mes épreuves, et rien de tout cela n’est étranger à Dieu, lui qui passera 3 jours dans l’obscurité du tombeau, dans l’obscurité de mon tombeau. Ce n’est pas pour rien que les icônes représentent toujours la mangeoire en forme de tombeau… Jésus couché dans une mangeoire ou Jésus couché dans un tombeau, c’est tout un et tout est là ! C’est parce qu’il est de toute éternité ‘lumière née de la lumière’ qu’il devient à la crèche lumière pour éclairer les nations et au tombeau lumière qui transfigure toute épreuve et qui brise les ténèbres de la mort !
C’est ça la Bonne Nouvelle ! l’Evangile qui doit nous bouleverser et nous faire chanter comme les anges : Gloire à Dieu au plus haut des cieux … et au plus bas sur cette terre, car sa lumière est sans limite ; paix aux hommes qu’il aime, paix aux hommes parce qu’il les aime, paix à ceux qui se laissent aimés pour l’amour de Dieu…
En cette nuit de Noël, laissons là toute division, laissons-nous un peu aimer par Dieu pour être nous même porteurs de son amour dans nos familles et dans ce monde qui a tant besoin de lumière. Suivons résolument la Parole faite chair et écoutons-le encore nous dire :
« Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais il aura la lumière qui conduit à la vie (Jean 8, 12).